LES INSUFFISANCES DE LA DÉMOCRATIE
La démocratie a été la grande invention des Anciens Grecs.
Elle a fait un retour glorieux en Europe quand, après des siècles d’obscurantisme, le pouvoir théologico-politique fut balayé.
À partir de ce moment, l’individu fit son entrée en société comme adulte.
Jusque-là, régnait l’heureuse médiocrité.
Selon Bernard GROETHUYSEN, l’Eglise ne voulait pas d’une individualité morale mais seulement d’un être socialement déterminé.
LE GOFF a démontré que, dans la chrétienté, le mot “individu” baignait dans une aura louche.
Dans cette société, l’individu fut celui qui n’avait pu échapper au groupe que par quelque méfait.
Le grand canoniste HUGUCCIO, au XIIIème siècle, déclare que celui qui ne se rallie pas à la majorité est « turpis », et honteux.
La Renaissance allait rendre à l’individu tous ses droits et c’est ainsi que le principe de pluralité et de liberté de penser allait marquer le retour à la démocratie ancienne.
Nous pouvons être fiers de cette révolution dans les idées et dans les mœurs.
Ce régime politique, qui fait incontestablement partie des meilleurs jamais conçus, n’est pas à l’abri de lourdes insuffisances.
Il arrive trop souvent que des médiocrités, sans aucun bagage intellectuel, appréciées pour leurs performances sportives ou leur jovialité à tout va, sanglotant d’amabilité et distribuant louanges et promesses, se retrouvent, au terme des élections parlementaires, catapultées au plus hauts postes ministériels, où ils atterrissent comme “Wind dürre Geschöpfe” pour employer une expression chère à Georg Christoph Lichtenberg.
Ils devraient avoir le vertige devant tout ce qui les attend.
Ils sont évidemment obligés de travailler en étroite collaboration avec les Commis qui ont l’expérience des dossiers – difficile de les contredire – difficile de prendre une traverse non encore empruntée pour mener à bien une politique donnée – mais quelle politique ?
Les Commis leur écrivent le courrier et les font phosphorer sur de beaux discours.
Peut-on m’expliquer ce qu’un maître en communication pourrait faire d’utile comme Ministre de la Santé alors que, par hypothèse, il n’a pas la moindre formation pour s’occuper de ce ressort complexe et compliqué?
Il en est ainsi d’un politicien de carrière, c’est-à-dire d’un baragouineur qui, sans la moindre connaissance du droit et sans la moindre expérience judiciaire, se retrouve soudain investi de la mission difficile de gérer le portefeuille du Ministère de la Justice.
Il sera accueilli par un corps rassuré qui l’aimera bien.
Il en est de même pour tous autres qui n’ont aucune gêne à occuper des ministères dont ils ne connaissent que dalle.
C’est là où le bât blesse.
Ainsi, on assiste à un glissement sournois de la démocratie vers la bureaucratie – de la politique, il ne restera qu’un faible vernis qu’il suffit de gratter pour qu’il disparaisse.
La démocratie perd énormément dans les aventures de la médiocrité.
Il ne faut pas que les Ministres viennent, tel un chien, manger dans la main des chefs de service.
On a vu ce que cela donnait dans la sombre histoire des casiers secrets.
Il faut des personnes charismatiques, à l’instar des fortes personnalités qui imposent leurs vues.
Souvenons-nous de Robert KRIEPS, Raymond VOUEL, Gaston THORN et Marcel MART, qui ont marqué l’histoire du pays.
Gaston VOGEL