il y a trois jours, notre Ministre Bausch était sous le feu des projecteurs, pour bégayer à son tour sur le « Coro » en compagnie du chef de la Police.
Nous avons pris acte que nous sommes désormais en liberté surveillée. La police contrôlera avec rigueur nos faits et gestes et au moindre faux pas, elle verbalisera sans aucun ménagement.
O ! On le sentait mal à l’aise quand il pérorait ainsi, à l’insu de son plein gré, sur la nécessite de faire des coupes sombres dans nos libertés les plus élémentaires. Mais sécurité oblige… on ne peut pas le contredire sur ce point, sauf que dans son effort de pédagogie, il semblait prendre ses compatriotes pour des canards sauvages – ce qu’il faisait, en illustrant ses propos par des spots pour nuls. Il nous parlait on ne peut plus attristé – c’était tout juste qu’il ne sanglotait pas d’amabilité. Après nous avoir servi son morceau de Jelly, il se hâtait de passer la parole au chef de la Police, qui, sauf quelques banalités, n’a révélé que fort peu des scénarios auxquels il faut s’attendre quand le règlement est violé.
Ce qui amenait une journaliste à poser une question bien ciblée : quid si une brigade volante passait près d’une maison d’où sort un bruit suspect de gens entrain de banqueter (nombreuses voitures en stationnement) ? Donc, si cette brigade voulait en savoir plus, pour le cas échéant, verbaliser à fond, a-t-elle le droit de se frayer un accès à l’intérieur ? – Non – répondit-il. Nous n’avons pas le droit de perquisitionner (pas encore !), mais nous avons d’autres moyens et actions… Lesquels ? Assiéger la maison jusqu’à l’aube ? Quand les réjouissances finissent dans la bière éteinte et les mégots de cigarettes ? Délicieuses soirées…
Et quid des masques ? On les vomit, car dès qu’on allume les petites lucarnes, les masques sortent de toutes les bouches : spécialistes, professeurs, journalistes, tous sont pris par une même boulimie du mot « masque », « masque » et encore, « masque » ! On a connu son importance par vérités successives. Au début, il n’était bon à rien – une absurdité – et puis peu à peu, il mutait en incontournable. Désormais c’est un « must » absolu.
Sans lui, ce sera la deuxième vague.
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On sait maintenant, pour l’avoir entendu du matin au soir, qu’un masque ne vaut que pour quelques heures. Après l’avoir porté durant quatre heures, il faut le changer ou le nettoyer à température élevée – ce que tous feront à coup sûr. Qui en doutera !? Et si toutes ces précautions sont négligées, le masque porté devient un non-masque, une simple mascarade, qui ne fait que tromper le policier appelé au contrôle du port de ce truc.
Mais qui contrôlera alors l’état du masque ? Une véritable nécessité, si on veut bien se rappeler des théories qui ont cours au moment où j’écris la présente.
Si tous portaient des masques ayant servis, non nettoyés, envahis d’humidité et de saleté ; la seconde vague serait terrifiante. Donc en bonne logique, la Police devrait arrêter chaque promeneur, le prier d’ôter le masque pour permettre le contrôle des indispensables – et vous voyez d’ici les queues qui se formeraient sur les trottoirs de la ville – les masques tomberaient du nez dans un geste de colère et les policiers ne finiraient pas de les ramasser comme corpora delicti, tout en emmerdant le monde à tel point que tout promeneur n’aurait qu’un désir : rentrer au plus vite Doheem.
Mais Doheem ! Comment s’organiser Doheem !? Deux mètres entre conjoints à table… bon appétit ! Deux mètres de distance au lit (et avec masques) ! Et même masqués, pas d’excès de volupté ! Même masqués, pas question de faire l’amour, car les barrières sauteraient…
Espérons que les policiers ne viendront pas contrôler ces intimités comme ils avaient l’habitude de le faire à l’époque où l’adultère était encore punissable et qu’une justice lumineuse fulminait contre les couples en « jouissance prohibée ». J’étais jeune avocat quand cet « Unfug » avait encore cours légal. À six heures du matin, ils se pointaient à la porte d’entrée, sonnaient… les amoureux se précipitaient dans les armoires (ou derrière la baignoire) et eux, les sbires, munis d’une ordonnance de perquisition, allaient plonger leurs mains dans les cavités du lit pour prendre la température… C’était les temps bénis où la consolatrix afflictorum avait encore la main sur le sexe.
Donc Doheem, à son tour un pénitentiaire.
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Alors faisons encore une fois appel à Bausch, pour nous dire comment il faut faire pour continuer à vivre.
Et puis cher Ministre, voilà arrivé le moment où un nouveau fichier devrait venir s’ajouter à tous les autres, que vous gérez en bon père de famille, et qui depuis que le Coro est entré en lisse (sans rester en friche) espère pouvoir une fois encore échapper à la radiation tant de fois promise : le fichier « Coro » ! Oui !
Pour mettre aussitôt sous régime de semi-liberté, en cas de nouvelle pandémie, ceux qui ne lavaient pas leur masque, à l’époque où le Coro19 sévissait dans le département des forêts !
Ne l’oubliez pas, ce serait dommage…
Gaston VOGEL